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Licenciement illégitime : l’indemnisation après la décision de la Cour Constitutionnelle

La décision de la Cour Constitutionnelle commence à produire ses effets dans les procédures ayant pour objet les licenciements dans le cadre des contrats de travail à protections croissantes. Sur la lancée du Tribunal de Bari qui, par ordonnance 7016 du 11 octobre 2018, a mis à exécution à la sentence de la Cour Constitutionnelle avant même la publication des motivations, le Tribunal de Gênes a étendu le principe énoncé aux dispositions qui font un renvoi exprès à l’art. 3 du Décret législatif italien 23/2015 en vertu d’une interprétation constitutionnellement orientée.

En particulier, par ordonnance du 21 novembre 2018, le Tribunal de Gênes a estimé applicable le principe susmentionné aux contrats régis par l’art. 9 du Décret législatif 23/2015, à savoir aux contrats avec des entreprises qui ne remplissent pas les critères dimensionnels visés à l’article 18 de la loi italienne n° 300/70.

 

Le cadre normatif avant l’intervention de la Cour Constitutionnelle

 

Selon les dispositions du Décret législatif 23/2015 (le contrat à protection croissante), en présence d’un licenciement illégitime, sauf les cas particuliers, le juge déclare résilié le contrat de travail à la date de licenciement et condamne l’employeur à payer une indemnité (sans cotisations sociales) d’un montant égal à deux mois du dernier salaire de référence pour le calcul des indemnités de départ, d’un montant minimum de quatre et maximum de vingt-quatre mois.

Pour les entreprises employant au maximum 15 salariés, le montant de l’indemnité prévu par l’art. 3, 1er alinéa, du Décret législatif 23/2015, en vertu de l’art. 9 dudit Décret législatif, est divisé par deux et ne peut pas dépasser la limite de six mois.

Au mois de juillet 2018, le Décret législatif italien 87/2018, converti en loi 96/2018 (ce qu’il est convenu d’appeler le Décret Dignité), a modifié les seuils de protection minimale et maximale, en les augmentant de moitié sans modifier, toutefois, les modalités de détermination de l’indemnisation qui continue d’être liée à l’ancienneté de service du salarié (deux mensualités pour chaque année entière, réduite à une pour les petites entreprises).

 

Le jugement 194/2018 de la Cour Constitutionnelle

 

Par jugement 194 déposée le 8 novembre 2018 et publiée le 14 novembre suivant, la Cour Constitutionnelle a démantelé le mécanisme de protection croissante, en éliminant le paramètre des deux mensualités de référence pour le calcul des indemnités de départ pour chaque année de service à titre d’unité de mesure exclusive de l’indemnité de licenciement illégitime.

Selon la Cour Constitutionnelle, le mécanisme de calcul de l’indemnisation prévue par le Décret législatif n° 23/2015, dans la formulation modifiée par le Décret Dignité, fixe une « indemnité rigide, car non progressive par rapport à des paramètres différents de l’ancienneté de service, et la rend uniforme pour tous les travailleurs. L’indemnité prend ainsi la connotation d’un versement forfaitaire et standardisé…du préjudice subi par le travailleur à cause de la perte injustifiée du poste de travail à durée indéterminée ».

De l’avis de la Cour Constitutionnelle, lors de la détermination de l’indemnisation due au travailleur illégitimement licencié, sans préjuger des limites prévues par la loi, on ne peut faire abstraction d’autres critères, comme ceux « résultant de manière systématique de l’évolution de la discipline limitative des licenciements (nombre de salariés, dimensions de l’activité économique, comportement et conditions des parties) ».

 

Le Tribunal de Gênes

 

Par ordonnance du 21 novembre 2018, le Tribunal de Gênes a accordé à une employée illégitimement licenciée le montant maximum de l’indemnité, soit six mensualités, en vertu d’une interprétation constitutionnellement orientée de l’art. 9 du Décret législatif 23/2015. Cette indemnité a été déterminée en prenant comme référence, non seulement l’ancienneté dans l’entreprise, mais aussi d’autres critères, comme les dimensions modestes de l’entreprise et les compétences élevés de la travailleuse.

 

Les faits

 

Le Tribunal a été saisi par une journaliste licenciée suite à une réorganisation d’entreprise qui avait entrainé la suppression de son poste (« collaboratrice externe ») et une redistribution des compétences et des responsabilités.

 

La décision

 

En rappelant le principe jurisprudentiel en vertu duquel le juge, en cas de licenciement pour motif objectif justifié, déterminé par des exigences de réorganisation de l’entreprise, ne peut pas se prononcer sur le choix des critères de gestion, mais peut contrôler seulement l’existence réelle du motif allégué et son lien avec la rupture sommée au travailleur (cf., entre autres, Cassation, chambre du travail, 7474/2012, 15157/2011 et 24235/2010) – le tribunal a déclaré l’illégitimité du licenciement et ce, parce que « le nouveau plan éditorial n’a pas modifié la réalité du lieu de travail où travaillait la requérante au moment du licenciement »

Selon le juge de fond, le choix de licencier la requérante n’était pas lié, en effet, au nouveau plan éditorial et aux raisons invoquées pour son licenciement. La preuve d’un lien fonctionnel réel entre la réorganisation de l’entreprise invoqué et la mesure prise à l’encontre de la travailleuse faisait donc défaut.

 

Les conséquences au niveau des sanctions

 

Compte tenu de l’illégitimité de la rupture de contrat, le juge de fond – en l’absence des critères dimensionnels énoncés à l’art. 18 de la loi italienne 300/70 – a estimé que la protection dont devait bénéficier la travailleuse était celle visée à l’art. 9, premier alinéa, du Décret législatif 23/2015. Ceci en partant du principe que (i) la travailleuse avait été embauchée le 6 décembre 2016, donc après l’entrée en vigueur du Décret législatif 23/2015 et (ii) le cas d’espèce ne pouvait pas être assujetti à la discipline du Décret Dignité, car le licenciement avait été sommé avant son entrée en vigueur.

Même si l’art. 9 du Décret législatif 23/2015 n’a pas subi de censures – n’ayant pas fait l’objet de question de constitutionnalité – il est inévitable, de l’avis du Tribunal, d’évaluer l’incidence du prononcé de la Cour Constitutionnelle sur son application et ce, non seulement parce que cette norme rappelle directement l’art. 3, premier alinéa, du Décret législatif 23/2015, mais aussi parce que le mécanisme de détermination de l’indemnité indiqué est le même et est paramétré exclusivement en fonction de l’ancienneté de service du travailleur.

Par conséquent, de l’avis du Tribunal de Gênes – afin d’éviter une application en contraste avec le prononcé de la Cour Constitutionnelle 194/2018 – il faut estimer que le renvoi au « montant des indemnités et du montant prévus par l’art. 3, 1er alinéa, du Décret législatif 23/2015 doit être lu en se référant à tous les critères d’indemnisation indiqués dans le jugement n° 194/2018 ».

En application de cette interprétation, à l’orientation constitutionnelle, constituent des éléments méritant d’être pris en compte dans la quantification de l’indemnisation non seulement l’ancienneté de service mais aussi les dimensions de l’entreprise et d’autres éléments contractuels. Ces derniers prennent de l’importance dans le cas en question puisque l’attribution au travailleur de la qualification de collaboratrice externe a une incidence tant sur la valeur de la rémunération lui revenant que sur ses perspectives de réinsertion dans le milieu journalistique.

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