Par voie d’ordonnance en date du 4 janvier 2024, le Tribunal de Ravenne a renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne le jugement relatif à la législation italienne concernant la possibilité d’imputer à la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêts maladie, des absences causées par des pathologies invalidantes

La question posée à la Cour de justice de l’Union européenne peut être résumée comme suit : la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie de 180 jours prévue par la Convention collective nationale italienne « ConfCommercio » (qui s’applique sans distinction entre les personnes handicapées et non handicapées) peut-elle être considérée comme un aménagement raisonnable à même d’exclure toute discrimination indirecte à l’encontre des travailleurs handicapés ?

L’ordonnance se fonde sur la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, transposée en Italie par le décret législatif italien n° 216/2013.

Sur la base de cette directive, une jurisprudence a été élaborée au niveau communautaire puis au niveau national, considérant que l’application indifférenciée de la même période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie aux travailleurs handicapés et aux travailleurs non handicapés constitue une discrimination indirecte, car elle entraîne une différence de traitement au détriment des personnes handicapées qui, en raison de la fragilité inhérente au handicap, sont particulièrement désavantagées par rapport aux autres travailleurs, compte tenu du risque d’une plus grande possibilité d’accumulation de jours d’absence, ces derniers risquant donc d’atteindre plus facilement les limites de la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie.

La Période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie : brèves notes sur le concept juridique

En application de l’article 32 de la Constitution italienne, qui élève le droit à la santé au rang de droit garanti par la Constitution, et de l’article 38, alinéa 2, de ladite constitution, l’article 2110 du Code civil italien prévoit qu’un travailleur absent pour cause de maladie a droit non seulement au maintien de son emploi, mais également au versement, lorsque la loi ou une convention collective l’exige, d’une rémunération ou d’une indemnisation dans la mesure et pour la durée déterminées par des lois spéciales, la pratique ou conformément à l’équité (ce que l’on appelle la Période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie – « periodo di comporto »).

Ce n’est qu’une fois cette période écoulée que l’employeur peut légitimement résilier le contrat de travail en cas de dépassement de la Période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie, conformément à l’article 2118 du code civil italien, c’est-à-dire donner un préavis au travailleur ou lui verser l’indemnité de remplacement correspondante.

Ainsi, l’article 2110 du code civil italien, établit un équilibre entre des droits constitutionnels opposés, considérés comme dignes de protection : le droit du travailleur à la santé et à la préservation de son emploi et celui de l’employeur à la liberté d’initiative économique privée.

Pour reprendre les paroles des Chambres réunies de la Cour de cassation italienne, la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie, représente « un point d’équilibre entre l’intérêt du travailleur à bénéficier d’une période d’absence raisonnable pour se rétablir à la suite d’une maladie ou d’un accident et celui de l’employeur à ne pas avoir à supporter indéfiniment les répercussions négatives que ces absences entraînent pour l’organisation de l’entreprise » (Cass., Chambres réunies, n° 12568/2018).

Notions communautaires relatives au handicap et à la discrimination indirecte

La Cour de justice européenne a interprété la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant sur « l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail », en introduisant la notion de handicap « européen ».

Comme il ressort de la jurisprudence communautaire établie en la matière, le handicap est défini comme « état pathologique causé par une maladie médicalement constatée comme curable ou incurable dès lors que cette maladie entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs, et que cette limitation est de longue durée » (en ce sens, Cour de justice de l’Union européenne, 11 août 2013, HK Danmark, C-335 /11 et C-337/11, point 47, et Cour de Justice de l’Union européenne, 18 janvier 2018, Ruiz Conejero, C-270/16. Dans le même ordre d’idées, dans un sens plus large du handicap, voir également Cour de justice de l’Union européenne, 18 décembre 2014, FOA (Fagog Arbejde), C-354/13, point 53, selon lequel l’obésité relève également de la notion de handicap, au sens de la directive 2000/78, lorsqu’elle constitue un obstacle à la participation du travailleur à la vie professionnelle).

À ce sujet, il convient également de préciser que la notion de handicap communautaire est totalement autonome et, par conséquent, « déconnectée » de la reconnaissance, en droit interne par les organes compétents, d’invalidité conformément à loi italienne n° 68/99 ou les avantages de la loi italienne n° 104/92 (Cass. n° 23338/2018, Cass. n° 6798 de 2018. À cet égard, récemment, se sont de même exprimés dans les mêmes termes : Trib. Ravenne, 27 juillet 2023, CA Rome 27 novembre 2023, Trib. Rovereto, 30 novembre 2023 et Trib. Rome, 18 décembre 2023).

Ceci exposé sur la notion de handicap et compte tenu du thème de la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie, il convient à présent de tenir compte des dispositions de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la Directive 2000/78/CE concernant la discrimination indirecte fondée sur le handicap.

Selon la législation communautaire, cette forme de discrimination existe lorsqu’une disposition apparemment neutre serait susceptible d’entrainer un désavantage particulier pour la personne d’un handicap, à moins que :

  1. cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires ;
  2. l’employeur ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l’article 5 afin d’éliminer les désavantages qu’entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique.

Sur ce point, la Cour de justice, avec le récent arrêt du 18 janvier 2024, dans l’affaire C-631/22 (sur wikilabor.it), rappelant d’autres de ses propres décisions (voir arrêt du 21.10.2021, Komisia za zashtita ot diskriminatsia, C-824/19, EU-C-2021-862, point 59 et la jurisprudence qui y est citée), a rappelé que la Directive 2000/78/CE doit être interprétée conformément aux dispositions de la Convention des Nations Unies, dont l’article 2 établit que « discrimination fondée sur le handicap » désigne « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour but ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres ».

Sur la base de ces notions de handicap et de discrimination indirecte, la jurisprudence européenne et nationale a eu l’occasion de s’exprimer sur la question de la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie et du licenciement découlant de son dépassement dans le cas des personnes handicapées selon la définition communautaire.

Plus précisément, la Cour de justice de l’Union européenne a déclaré que la législation nationale était contraire à l’interdiction de la discrimination fondée sur le handicap, qui, sans faire de distinction entre travailleurs non handicapés et travailleurs handicapés, permet à l’employeur de licencier un travailleur handicapé en raison d’absences du travail imputables à son état pathologique.

De l’avis de la Cour de justice, une telle règle « est susceptible de désavantager les travailleurs handicapés et, par conséquent, d’entraîner une différence de traitement indirectement fondée sur le handicap, conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78 ».

Du même avis, en tenant compte de l’article 3, alinéa 3-bis, du Décret législatif italien n° 216/2003, la Cour de cassation italienne a récemment statué qu’« en matière de licenciement, l’application de la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie ordinaire aux travailleurs handicapés constitue une discrimination indirecte, dans la mesure où le fait de ne pas prendre en compte les risques d’une morbidité accrue des travailleurs handicapés, précisément en raison du handicap, fait du critère apparemment neutre du calcul de la période courte de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie une pratique discriminatoire à l’encontre du groupe social protégé en particulier car il se trouve dans une position particulièrement défavorisée ».

Il s’ensuit que l’application de la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie à la personne handicapée, quel que soit son handicap, pourrait caractériser une discrimination indirecte et, par conséquent, le licenciement ordonné pour dépassement de la durée de la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie doit être considéré comme nul et non avenu, le travailleur ayant le droit d’être réintégré dans son service.

Aménagements raisonnables

Afin de réduire le risque d’adopter un comportement discriminatoire, l’employeur, conformément à l’article 3, alinéa 3-bis, du Décret législatif italien n° 216/2003, bien que dans le cadre de la liberté d’initiative économique et privée et donc dans le respect des principes qui permettent la libre organisation de l’entreprise, doit – de manière diligente et de bonne foi – identifier des « aménagements raisonnables » permettant de neutraliser ou de réduire les situations susceptibles d’aggraver la condition physique du salarié.

De l’avis de la Cour de cassation italienne, la nécessité d’identifier ces aménagements « (…) ne signifie pas qu’une limite maximale en termes de jours de congé de maladie d’un travailleur handicapé ne peut ou ne doit pas être fixée (…). Cependant, cet objectif légitime doit être mis en œuvre par des moyens appropriés et nécessaires, et donc proportionnés (…) ».

À cet égard, les contributions fournies par la jurisprudence sur le fond concernant tout aménagement raisonnable que l’employeur peut mettre en œuvre en fonction des besoins concrets des personnes handicapées ont été différentes.

Ces contributions, conçues par la jurisprudence, sont notamment les suivantes :

  • soustraction du calcul du nombre de jours de maladie attribuables au handicap, avec pour conséquence une prolongation de la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie ;
  • contrôle constant de l’aptitude du travailleur à occuper le poste ;
  • réduction du temps de travail ;
  • suspension sans salaire de l’employé, conformément à l’article 10 de la loi italienne n° 68/99, tant que persiste la pathologie incompatible avec le travail ;
  • redistribution des tâches entre les travailleurs afin d’attribuer au prestataire des tâches compatibles avec ses pathologies ;
  • création d’un nouvel emploi, sans préjudice de la nécessité que cette affectation ne porte pas atteinte à la dignité du travailleur effectuant des tâches nettement inférieures à son niveau et à ses fonctions précédentes, lorsqu’il existe des postes compatibles dans l’entreprise qui prévoient uniquement une modulation différente des heures de travail ou des équipes ;
  • le fait d’informer le travailleur au sujet des jours de maladie déjà utilisés et de la limite maximale de la durée de la Période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie prévue par la convention collective ;
  • le fait d’informer, de quelque manière que ce soit, le salarié de l’approche de l’expiration de la Période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie ;
  • le droit à un travail agile.

En fin de compte, donc, le risque de ne pas prendre en compte la morbidité excessive de la personne handicapée reste sous la responsabilité de l’employeur qui ne peut combattre le phénomène qu’avec des instruments appropriés, différents de ceux préparés pour les autres salariés.

L’ordonnance du tribunal de Ravenne

Le juge de renvoi, après avoir rappelé la jurisprudence de la CJUE sur laquelle se fondait également la jurisprudence sur le fond et de légitimité nationale, a émis des doutes quant à la nécessité de fixer une durée spécifique de la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie pour les personnes handicapées, considérant que la législation italienne en matière de maladie offre déjà une protection significative à ces dernières. Il a également exprimé des doutes quant à la faisabilité d’instruments tels que la déduction, par l’employeur, des périodes d’absence pour cause de handicap de la période de protection contre le licenciement en cas d’arrêt maladie.

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Par le biais de l’ordonnance n°1476 du 15 janvier 2024, la Cour de cassation italienne s’est à nouveau prononcée sur la gravité du fait reproché à un salarié comme raison invoquée du licenciement pour juste motif, prononcé en application de l’article 2119 du code civil italien.

À l’issue des trois instances de procédure, la Cour de cassation italienne a rejeté le pourvoi formé par le salarié et a confirmé les arrêts précédents.

Le cadre factuel

L’affaire a pour origine un licenciement prononcé par une entreprise à l’encontre d’un travailleur employé comme cuisinier pour avoir soustrait illégalement et à plusieurs reprises des denrées alimentaires appartenant à l’employeur. Dans le cadre de la procédure disciplinaire, le salarié avait demandé le report de l’audience prévue pour des raisons de santé. En particulier, ce dernier avait produit des certificats médicaux attestant d’une situation d’anxiété de stress réactif.

Le Tribunal de Santa Maria Capua Vetere – devant lequel le licenciement avait été contesté – avait rejeté l’action intentée par l’employé conformément à la loi italienne 92/2012 (dénommée « Loi Fornero »).

La Cour d’appel de Naples, en deuxième instance, a estimé que (i) la violation des droits de la défense n’existait pas puisque le certificat médical produit n’était pas de nature à justifier un empêchement légitime et que, par conséquent, la demande de report de la réunion n’avait qu’une finalité dilatoire ; (ii) les éléments d’enquête produits au procès avaient confirmé les griefs présentés dans le cadre de la procédure disciplinaire, à savoir la soustraction répétée, sans autorisation, d’aliments cuits, ainsi que la violation des obligations de loyauté, d’équité et de correction (imputables à l’employé) ; (iii) l’existence d’une proportionnalité de la sanction d’expulsion prononcée en raison de l’illicéité de l’acte et des comportements (pénalement pertinents) fondant et justifiant la proportionnalité de la sanction.

Sur cette base, les juges de la Cour d’appel ont rejeté les demandes du salarié.

L’arrêt de la Cour de cassation italienne

Le salarié s’est pourvu en cassation en invoquant, d’une part, la violation des règles prévues à l’article 7 de la loi italienne 300/1970 relative aux procédures disciplinaires (le dénommé « Code du travail italien ») et, d’autre part, des erreurs d’appréciation des preuves concernant l’évaluation de l’intensité du comportement et le manque de proportionnalité de la sanction.

La Cour de cassation italienne, au stade du pourvoi, rappelle qu’en cas de licenciement disciplinaire, le salarié a le droit, s’il le demande, d’être entendu par l’employeur, sans préjudice de la possibilité de report, accordée au salarié en cas d’existence de raisons avérées et valables pouvant nuire à son exercice effectif et adéquat.

En l’espèce, selon la Cour de cassation italienne, le comportement (vol de nourriture), bien qu’il ne soit pas grave au point de causer des dommages importants et des pertes économiques très significatifs, constitue un juste motif de licenciement car il manifeste une dévalorisation sociale et est en « contradiction avec les normes conformes aux valeurs de l’ordre existant dans la réalité sociale […] bien qu’il ait pu y avoir une tolérance apparente de la part de l’employeur ».

La Cour de la cassation italienne, à la suite des évaluations effectuées sur la gravité du comportement, conclut alors que l’entité modeste du fait « ne doit pas être rapportée à la ténuité du dommage pécuniaire subi par l’employeur, car le comportement du salarié doit être apprécié en fonction de la valeur symptomatique qu’il peut revêtir à l’égard de sa conduite future, ainsi que de la capacité de jeter un doute sur la loyauté future de la prestation et d’affecter l’élément essentiel de la confiance, à la base de la relation de travail » (Cass. 11806/1997 ; Cass. no. 19684/2014).

« À travers la conversion imminente en loi du « Décret Milleproroghe », une prorogation du délai pour la conclusion d’un contrat à durée déterminée au-delà de 12 mois est en cours, par le biais d’un accord individuel des parties. La prorogation prévue par le décret sera du 30 avril au 31 décembre 2024 et permet de prolonger temporairement la période au cours de laquelle les entreprises pourront prolonger la durée des contrats à durée déterminée jusqu’à un total de 24 mois, sous réserve que des exigences techniques, organisationnelles ou de production existent et soient explicitées ». C’est ce qu’a expliqué à Adnkronos/Labitalia, Me Vittorio De Luca, Managing Partner chez De Luca & Partners.

« L’objectif de cette disposition est de donner aux partenaires sociaux davantage de temps pour adapter les conventions collectives qui, jusqu’à présent, n’ont introduit des dispositions sur le régime des causes des contrats à durée déterminée que dans une très faible mesure, avec pour conséquence que de nombreux secteurs de production sont restés exclus », explique l’expert. En effet, comme chacun sait, la dernière modification du régime des contrats à durée déterminée a été introduite par le « Decreto Lavoro » (Décret-loi italien en matière d’emploi n° 28/2023) qui, en reformulant l’article 19 du décret législatif italien n° 81/2015, prévoyait un régime innovant en cas de poursuite d’un contrat à durée déterminée au-delà de la durée de 12 mois », explique-t-il.

« La version actuelle de la disposition prévoit que, dépassés les 12 premiers mois pour lesquels aucune cause n’est requise, la relation à durée déterminée peut se poursuivre (dans la limite de 24 mois) exclusivement pour le remplacement de travailleurs et dans les cas prévus par la négociation collective. En l’absence de dispositions dans les conventions collectives, à titre transitoire jusqu’au 30 avril 2024 (désormais prolongé jusqu’au 31 décembre), également pour des raisons techniques, organisationnelles ou de production, identifiées par les parties », conclut M. De Luca.

Revue de presse :

Relation de travail – Licenciement pour justes motifs – Illégalité – Existence

L’intégration du cas de faute intentionnelle et de négligence au détriment de l’entreprise employeur exige que le préjudice soit une conséquence prévisible du comportement de l’employé. En application de ce principe, le licenciement d’un salarié qui, autorisé à quitter le lieu de travail pendant les heures de travail, s’était arrêté quelques minutes sur le chemin du marché avec sa voiture de fonction, a été jugé illégal. À ce moment-là, il a été photographié et la photo a été publiée sur le média social, Facebook, suscitant l’indignation de plusieurs membres. Cour de cassation italienne, chambre sociale, 6 décembre 2023, n° 34107. La Cour de cassation italienne, chambre sociale, dans l’arrêt n° 34107 du 6 décembre 2023 a décidé qu’il est illégal de licencier un salarié qui, ayant été autorisé à rentrer chez lui dans une voiture de fonction pour changer ses vêtements mouillés, s’arrête en chemin pour aller faire des courses au marché. Dans le cadre des évaluations effectuées par la cour territoriale et confirmées par les juges de la Cour de cassation italienne, la prise de photos et la publication consécutive de la voiture de fonction par un tiers, n’étaient pas pertinentes aux fins de l’évaluation de la légitimité de la résiliation contractuelle. Cela a suscité l’indignation des membres du média social. En effet, il était apparu au cours de la procédure que le comportement du salarié, qui ne constituait pas une faute intentionnelle ou une négligence grave au détriment de l’entreprise, devait être qualifié d’abandon non autorisé du lieu de travail pour la seule période de l’arrêt au marché. La Cour conclut que ce cas, également à la lumière des dispositions de la convention collective applicable en l’espèce, le salarié aurait dû être sanctionné par une mesure conservatoire.

Historiquement, les activités frontalières entre l’Italie et la Suisse ont été régies par l’accord signé à Rome en 1974 et par la Convention de 1976 contre la double imposition, toujours en vigueur entre les deux pays.

Ces accords prévoyaient que les salaires et autres éléments faisant partie de la rémunération qu’un travailleur frontalier – généralement compris comme un travailleur, salarié ou non, qui exerce son activité dans un État autre que celui où il réside, et qui retourne dans son État de résidence, en principe, quotidiennement ou au moins une fois par semaine – reçoit à titre de rémunération d’une activité salariée, n’étaient imposables que dans l’État où cette activité est exercée.

Toutefois, l’évolution technologique et, surtout, la période d’urgence Covid ont modifié les scénarios initiaux, obligeant l’Italie et la Suisse à faire face à l’utilisation généralisée des modes de travail dits agiles qui, contrairement au passé, ne sont plus nécessairement effectués dans les locaux de l’entreprise et, dans la mesure où cela nous intéresse ici, n’impliquent plus le franchissement quotidien des frontières.

A partir du 1er janvier 2024, en raison de l’entrée en vigueur de Loi italienne n° 83/2003, de transposition de l’Accord du 23 décembre 2020, d’importants changements sont intervenus dans le cadre des relations entre l’Italie et la Suisse en ce qui concerne les règles fiscales applicables aux dénommés travailleurs frontaliers, qui ont également une incidence sur les lignes directrices relatives au travail à distance.

Les nouvelles mesures fiscales applicables aux travailleurs frontaliers

Avec l’entrée en vigueur de la loi italienne n° 83/2023, le processus de révision des accords entre l’Italie et la Suisse concernant le régime du travail frontalier, initié par le protocole du 23 décembre 2020 susmentionné, a été conclu. Le nouvel accord, formalisé par la loi sus-indiquée, modifie l’accord et la convention contre la double imposition signés respectivement en 1974 et 1976, en les adaptant à la lumière des nouveaux accords conclus par les deux pays.

Les nouvelles dispositions convenues entre l’Italie et la Suisse – qui sont entrées en vigueur le 17 juillet 2023, mais sont applicables à partir du 1er janvier 2024 – concernent la définition du travail frontalier et le régime fiscal applicable au revenu du travail gagné par les personnes concernées. Les parties ont convenu qu’elles feraient l’objet d’une révision tous les cinq ans.

Plus précisément, la définition du travailleur frontalier a été revue par le nouvel accord pour inclure tout travailleur résidant dans un État contractant qui est résident fiscal dans une municipalité dont le territoire se trouve entièrement ou partiellement à moins de 20 km de la frontière avec l’autre État contractant. Les zones frontalières couvertes par l’accord sont, pour la Suisse, les cantons des Grisons, du Tessin et du Valais et, pour l’Italie, les régions de la Lombardie, du Piémont, de la Vallée d’Aoste et de la province autonome de Bolzano.

Pour être considéré comme frontalier, le travailleur doit effectuer un travail dans la zone frontalière susmentionnée de l’autre État et retourner, en principe, à sa résidence principale dans l’État de résidence quotidiennement. Ce statut est maintenu si le salarié ne rentre pas chez lui, pour des raisons professionnelles, pendant un maximum de 45 jours par année civile, à l’exclusion des jours fériés et des jours de maladie.

À des fins de fiscalité, le nouvel accord prévoit une distinction entre les « anciens » et les « nouveaux » frontaliers.  Pour les premiers – c’est-à-dire les travailleurs qui possédaient déjà le statut de frontalier le 17 juillet 2023 ou qui, au cours de la période comprise entre le 31 décembre 2018 et le 17 juillet 2023, ont effectué un travail dans la zone frontalière – les règles de la version précédente de l’accord continueront à s’appliquer, celles-ci prévoyant  le principe de l’imposition exclusive dans le pays où le travail est effectué, sous réserve que le travailleur réside dans un rayon de 20 km de la frontière entre les deux États.

En ce qui concerne les seconds – c’est-à-dire les travailleurs qui ont obtenu le statut de frontalier à partir du 17 juillet 2023 – l’imposition fiscale se fera selon le critère de l’imposition concurrente.

En effet, l’État dans lequel le travail est effectué prélève une retenue à la source sur les revenus perçus par la personne, à concurrence de 80 % de ce qui est dû au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, y compris les impôts locaux.

L’État de résidence du travailleur imposera également les mêmes revenus, en garantissant l’élimination de la double imposition conformément aux règles prévues par la convention fiscale en vigueur entre les deux pays (en particulier, en reconnaissant un crédit égal aux impôts payés dans l’État de déroulement de l’activité de travail ou en garantissant l’exonération des revenus qui y sont imposés).

Nouveautés en matière de travail à distance

En vertu des dispositions en vigueur à partir du 1er janvier 2024, les travailleurs frontaliers entre l’Italie et la Suisse se voient accorder la possibilité de travailler en régime de smart-working, à leur domicile et dans la limite de 25 % des heures de travail, sans que cela n’ait d’incidence sur le régime fiscal applicable.

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