Dans notre système juridique, la question des marchés et de la gestion du travail a toujours été au centre de l’attention du législateur dans le domaine du droit du travail. Ce n’est pas un hasard si l’une des premières lois sur le travail à compléter la réglementation contenue dans les codes a été la loi italienne n° 1369 du 1960, qui a consacré l’interdiction de l’intermédiation et de l’interposition dans les relations de travail.

Après être restée pratiquement inchangée pendant près de quarante ans, la législation a connu un certain dynamisme depuis la dénommée loi « Treu » de 1997, qui a introduit le travail temporaire, et la loi Biagi de 2003, qui a mieux réglementé la question de savoir si et dans quelles conditions il peut y avoir un manque de correspondance entre l’employeur formel et le bénéficiaire du service de travail.

Jusqu’à il y a quelques années, les conséquences de l’illégalité d’un contrat de marché pour l’entreprise contractante – en dehors des hypothèses d’exploitation qui constituent le délit de « caporalato » (une forme illégale de recrutement et d’organisation de main d’œuvre par le biais d’intermédiaires) – étaient toujours de nature purement économique et consistaient dans le paiement de sanctions administratives pour le non-règlement des cotisations et défaut d’emploi direct du personnel utilisé dans le cadre du contrat simulé.

Depuis quelque temps, au contraire, le respect des conditions susmentionnées légitimant le recours au contrat de marché est devenu encore plus important en raison de deux orientations jurisprudentielles qui se sont imposées.

La première est apparue sur le thème du licenciement. Selon cette interprétation, la Cour de cassation italienne a jugé que le contractant, en tant qu’employeur effectif dans le cas d’un marché véritable, ne peut pas se prévaloir du licenciement effectué par le contractant, employeur formel.

Pour continuer à lire la version intégrale visiter Il Sole 24 Ore.

À travers l’ordonnance n° 87 du 3 janvier 2024, la Cour de cassation italienne s’est prononcée sur l’applicabilité de la protection de réintégration en cas d’inexistence du fait à l’origine du licenciement annoncé pour juste motif objectif.

Au terme des trois degrés de juridiction, la Cour de cassation italienne a accueilli le pourvoi formé par la salariée licenciée, en cassant l’arrêt de la Cour d’appel qui n’avait appliqué l’indemnité en faveur de la salariée qu’à hauteur de vingt mois de salaire.

Les faits

L’affaire a pour origine un licenciement décidé par une société coopérative à l’encontre d’une associée employée pour juste motif objectif, fondé sur la nécessité d’une restructuration de l’entreprise et de l’externalisation consécutive des activités de comptabilité (un domaine dans lequel l’employée travaillait).

Le Tribunal de première instance avait fait droit au recours de l’employée et déclaré le licenciement illégal.

La Cour d’appel de Catanzaro saisie, partageant l’avis du Tribunal de première instance, a rejeté la réclamation déposée par la coopérative, employeur, au motif que cette dernière n’aurait pas prouvé l’existence : (i) du lien de causalité entre la restructuration et la suppression du poste de travail ; (ii) de la suppression du domaine auquel la salariée était précédemment affectée ; (iii) de l’impossibilité de replacer la salariée.

Sur la base de ces conditions préalables, les juges du fond avaient condamné l’employeur à verser à la salariée une indemnité pécuniaire d’un montant de 20 mois de salaire.

L’employée s’est alors pourvue en cassation en demandant l’application de la protection de réintégration en vertu de l’article 18, septième alinéa, de la loi italienne n° 300/1970 (Code du travail italien).

L’arrêt de la Cour de cassation italienne

La Cour de cassation italienne, en accueillant le pourvoi formé par la salariée, a rappelé que la charge de la preuve quant à l’existence des conditions préalables au licenciement pour juste motif objectif incombe à l’employeur, qui peut également recourir à des présomptions, étant exclu que le salarié soit tenu d’indiquer les postes assignables (Cour de Cassation italienne arrêt du 20 octobre 2017, n° 24882).

Dans l’arrêt commenté, la Cour a également abordé la question de l’absence manifeste du fait justifiant, conformément à l’article 18, septième alinéa du Code du travail italien, tel que modifié par la Loi italienne n° 92/2012, l’application de la protection de réintégration atténuée.

Selon la Cour, la vérification de l’absence manifeste du fait doit faire abstraction du caractère de preuve immédiate, « car l’article 18, septième alinéa, deuxième phrase de la Loi [italienne] n°. 300/1970, tel que modifié par l’article 1, alinéa 42, lettre b), de la Loi [italienne] n° 92/2012, a été déclaré inconstitutionnel, pour violation de l’article 3 de la Constitution [italienne], uniquement en ce qui concerne le terme « manifeste » ».

La Cour de cassation italienne, tout en approuvant l’arrêt de la Cour d’appel de Catanzaro sur l’inexistence de la « réorganisation organisationnelle sur laquelle le licenciement était fondé » ainsi que sur l’absence de preuve de l’impossibilité de remplir l’obligation de repêchage et donc sur l’inexistence, en l’espèce, du juste motif objectif sur lequel le licenciement était fondé, a censuré l’application de la protection indemnitaire pour avoir méconnu les principes supérieurs du droit à la lumière des derniers arrêts sur l’exigence de l’inexistence « manifeste ».

En résumé, selon la Cour de cassation italienne, en l’absence de lien de causalité entre le licenciement par l’employeur et le juste motif objectif invoqué comme fondement, est caractérisée l’absence manifeste du fait qui, en tant que tel, justifie la condamnation de l’employeur à la réintégration du salarié.

À travers l’ordonnance n° 35527 du 19 décembre 2023, la Cour de cassation italienne s’est prononcée sur le licenciement d’une mère salariée prononcé en raison de la cessation d’activité de l’employeur suite à la déclaration de faillite, en le déclarant nul et non avenu et en condamnant l’employeur à réintégrer la salariée et à lui verser une indemnité pécuniaire.

Le cadre factuel

En l’espèce, la salariée a été licenciée par l’administrateur judiciaire – peu après son retour du congé de maternité obligatoire et avant que son enfant n’atteigne l’âge d’un an – parce que la Coopérative, son employeur, avait été déclarée en faillite.

L’employée a contesté le licenciement devant le Tribunal d’Arezzo, affirmant qu’il était nul et non avenu parce qu’il avait été annoncé dans l’année de la naissance de son enfant. Le Tribunal a fait droit à la demande de la salariée, a déclaré le licenciement nul et a ordonné à l’administrateur judiciaire de réintégrer la salariée, outre le paiement d’une indemnité proportionnée à son dernier salaire.

La Cour d’appel de Florence, à la suite de la procédure engagée par l’administrateur judiciaire a confirmé le jugement de première instance.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation italienne, saisie de l’affaire, a examiné la notion de « cessation de l’activité d’entreprise » figurant à l’article 54, troisième alinéa, lettre b), du Décret législatif italien 151/2001 comme l’un des cas de dérogation à l’interdiction générale de licenciement des mères qui travaillent dans la première année de la naissance de l’enfant.

En particulier, la Cour a évalué l’hypothèse dans laquelle l’exercice provisoire de l’activité commerciale n’a pas été ordonné par le jugement déclaratif de faillite, ni autorisé ultérieurement par le juge délégué, dans un contexte où, après la faillite, « il avait été démontré que les activités de liquidation n’avaient pas commencé et que, au contraire, des activités conservatoires étaient en cours en vue d’un transfert à des tiers (raison pour laquelle une sélection du personnel à maintenir en service était en cours) ».

Selon la Cour, l’examen de la législation sur les faillites et de celle contenue dans l’article 54 fait ressortir que le jugement déclaratif de faillite implique la cessation formelle de l’activité d’entreprise (à l’exception de l’exercice provisoire autorisé), alors que le concept de cessation qui sous-tend l’article 54 a une portée différente.

Selon la Cour, l’exception à l’interdiction de licenciement dictée par la « cessation de l’activité » ne joue que dans les cas où toute possibilité de continuation ou de persistance de l’entreprise, pour quelque raison que ce soit, est exclue, et ce en raison de la protection prééminente des droits de la mère travailleuse à l’égard des droits patrimoniaux, qui sont sauvegardés par la par condicio creditorum (au stade de le faillite).

Rappelant ses précédentes décisions en la matière, la Cour, dans l’arrêt commenté, précise que l’exception prévue à l’article 54 doit être contenue dans des « limites précises et circonscrites » et que « compte tenu du fait que l’extinction de la relation est un événement extraordinaire ou nécessaire », elle ne peut être interprétée de manière extensive (Cassation. N° 13861/2021). Par conséquent, la Cour conclut que l’exception à l’interdiction de licenciement fonctionne sous les deux conditions suivantes : (i) que l’employeur soit une entreprise et (ii) qu’il y ait une cessation d’activité, la charge de la preuve incombant à l’employeur.

En l’espèce, compte tenu du fait que l’activité de la coopérative en faillite ne pouvait être considérée comme ayant cessé, le licenciement de la salariée n’a pas été jugé conforme aux principes de droit susmentionnés et, pour cette raison, a donc été considéré comme illégal.

La Cour de Cassation, par son ordonnance n° 21453 du 6 juillet 2022, a statué que, dans le cadre d’un transfert d’entreprise, le travailleur réintégré suite à la déclaration de nullité du terme prévu au contrat de travail doit être considéré comme transféré ex lege au service direct du cessionnaire.

Faits

Le cas d’espèce à l’origine de l’ordonnance examinée concerne l’efficacité d’un transfert d’entreprise à l’encontre d’un travailleur embauché avec un contrat à terme par le cédant et réintégré dans la société cessionnaire après ce transfert.

Le Tribunal et la Cour d’appel de Milan ont tous deux estimé que – puisque la sentence déclarant la nullité du terme prévu au contrat de travail rétablit le contrat – le travailleur devait être considéré comme partie intégrante de l’entreprise au moment de la cession et, donc, comme automatiquement transféré au service direct du cessionnaire.

Les juges du fond ont, en effet, affirmé que, même si au moment du transfert d’entreprise la relation de travail n’était pas, de fait, en vigueur à cause de l’échéance du terme prévu au contrat, le contrat de travail – converti en contrat à durée indéterminée suite à la sentence déclarant la nullité du terme – devait, dans tous les cas, être considéré comme existant « en droit, même s’il ne l’était pas de fait ».

La société employeur a déposé un pourvoi contre la décision de la Cour d’appel de Milan.

L’ordonnance de la Cour de cassation

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi déposé par la société cessionnaire et statué que, en matière de contrats de travail à durée déterminée, la sentence déclarant la nullité de la clause stipulant le terme et ordonnant le rétablissement de la relation illégalement interrompue a une nature déclaratoire et non constitutive.

En conséquence, la conversion en une relation de travail à durée indéterminée agit « ex tunc », c’est-à-dire à compter de la stipulation illégale du contrat à terme.

À partir du moment où l’inefficacité du terme prévu au contrat de travail du salarié est déclarée, la relation de travail doit donc être considérée comme étant à durée indéterminée dès son origine, d’où la poursuite automatique de la relation de travail au service du cessionnaire, conformément à l’art. 2112 du Code civil italien.

Contenus corrélés : 

La Cour de cassation, par son arrêt n° 8628 du 16 mars 2022, a statué que, pour que le licenciement pour dépassement de la période de congés maladie « par cumul » soit valable, il faut que soient spécifiquement indiqués les jours d’absence pour maladie, sans tenir compte des absences injustifiées.

Faits

Une salariée de la Préfecture de Udine avait attaqué le licenciement qui lui avait été notifié pour dépassement de la période de congés maladie, en excipant que dans l’acte de licenciement les jours calculés et cumulés n’étaient pas indiqués correctement.

Le Tribunal saisi, accueillant le recours de la travailleuse, avait déclaré le licenciement illégal et condamné le Ministère à la réintégrer.

Le Ministère avait donc fait appel de la sentence par-devant la Cour d’Appel de Trieste, laquelle avait confirmé le jugement de premier degré, entérinant ainsi le principe selon lequel si l’employeur indique dans la décision de licenciement les journées d’absence du travailleur, ne peut pas par la suite les modifier ou en ajouter d’autres.

En l’espèce, la période indiquée par le Ministère pour absence pour maladie était de 472 jours au total (en tenant compte du « congé maladie par cumul ») et, donc, était inférieure à la période de congés maladie prévue par la convention collective et fixée à 484 jours. Cela car, dans la période indiquée par le Ministère, avaient aussi été inclus 12 jours d’absence injustifiée de la travailleuse et, donc, ne rentrant pas dans le calcul du dépassement de la période de congés payés.

De plus, pour la Cour d’Appel, la démonstration en justice par le Ministère selon laquelle même les jours d’absence injustifiée étaient de fait liés à la maladie de la salariée n’avait aucune valeur. À ce sujet, selon la Cour d’Appel, ce qui était important était le caractère « irréfutable » des périodes indiquées dans la communication de licenciement, sur la base du principe d’immuabilité des motifs à la base du licenciement.

Le Ministère succombant a donc formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’Appel.

La décision de la Cour de Cassation

Saisie de la question, la Cour de Cassation a confirmé les sentences des juges du fond. Notamment, la Cour de Cassation a confirmé l’affirmation de la Cour d’Appel selon laquelle il ne fallait pas tenir compte des 12 jours d’absence injustifiée contestés dans le calcul du dépassement de la période de congés payés, car ils se référaient à un cas d’espèce différent.

À ce sujet, la Cour de Cassation a souligné que, contrairement à ce que le Ministère avançait, la Cour d’Appel n’avait pas entendu affirmé qu’en cas de dépassement de la période de congés maladie l’employeur devait indiquer, déjà dans la lettre de licenciement, chaque jour de maladie rentrant dans le calcul du congé maladie et, donc, avec l’irrecevabilité d’une indication successive de la part de l’employeur.

Sur ce point, la Cour de Cassation a affirmé que l’employeur, s’il précise les absences prises en considération, ne peut pas a posteriori ajouter ou modifier les jours pris en compte dans le dépassement de la période de congés maladie autorisée par la convention collective.

Selon la Cour, en effet, en matière de licenciement pour dépassement de la période de congés maladie, « l’employeur ne doit pas préciser chaque jour d’absence, car des indications plus générales peuvent être considérées comme suffisantes, également sur la base de l’article 2 amendé de la loi n°604/1966, qui impose de communiquer contextuellement les motifs, sous réserve de l’obligation d’alléguer et de prouver de façon précise en justice les faits constitutifs du pouvoir exercé ; toutefois, cette règle s’applique pour le congé maladie dit « sec » (c’est-à-dire une période de maladie unique et ininterrompue), où les jours d’absence peuvent être facilement calculés, même par le travailleur ; en revanche, dans le congé maladie dit « par cumul » (absences multiples et fragmentées) il faut une indication spécifique des absences calculées, de façon à permettre au travailleur de se défendre ».

En définitive, selon la Cour de Cassation, même en cas de licenciement pour dépassement de la période de congés maladie par cumul, on doit appliquer la règle de l’immuabilité des motifs à la base du licenciement. Cette règle constitue une garantie pour le travailleur, qui, sinon, n’aurait pas la possibilité de contester la décision de licenciement qui lui est notifiée.

Contenus corrélés