Par son jugement n° 1018/2022, publié le 20 avril 2022, le Tribunal de Milan, en la personne du juge M. Franco Caroleo, a confirmé une orientation désormais majoritaire : il a reconnu l’existence d’un contrat de travail subordonné entre un coursier et une célèbre plateforme de livraison de repas, reconnaissant au travailleur un encadrement de 6° niveau et la rémunération relative prévue par la Convention Collective Nationale du Travail du secteur du commerce (appliquée aux salariés de la Société).

Les faits de la procédure et les modalités d’organisation de l’activité du coursier

La relation entre le coursier et la Société était réglée, depuis le mois d’octobre 2018, par un contrat de travail indépendant, ayant pour objet des services de retrait et livraison d’aliments et de boissons à vélo, en moto ou en automobile. En l’espèce, l’offre de prestation professionnelle de la part du coursier avait lieu au travers d’un système de réservation sur application (installée sur le téléphone portable du travailleur), par laquelle ce dernier, chaque lundi, réservait ses sessions de travail pour la semaine à venir, en sélectionnant le jour et l’heure mis à disposition par la plateforme.

L’accès à cette réservation était divisé en tranches horaires, auxquelles le coursier pouvait accéder en fonction de « valeurs des index de réservation » obtenues par le travailleur sur la base de son degré de fiabilité (nombre des occasions où le coursier, bien qu’ayant réservé la session de travail, n’accédait pas à l’application dans les 15 premières minutes du début de la session) et de son degré de participation pendant les sessions ayant une demande de travail majeure établies par la Société du vendredi au dimanche, dans la tranche horaire 20:00-22:00 heures.

Ainsi, l’accès à la première tranche de réservation (celle de 11:00), ayant une disponibilité majeure de sessions pouvant être réservées pour toute la semaine, était consenti seulement aux coursiers qui avaient une valeur maximum de ces index, tandis que les coursiers avec des index inférieurs ne pouvaient accéder qu’aux seules tranches de réservation successives (celle de 15:00 heures et celle de 17:00), avec moins de sessions de travail réservables disponibles.

La version intégrale de l’approfondissement a été publiée sur le numéro 20 de Guide au droit du travail de Il Sole 24 Ore.

Le Ministère du Travail, conformément à l’annonce faite aux partenaires sociaux lors de la rencontre du 18 novembre 2020, a émis, le 19 novembre suivant, la circulaire n° 17 expliquant la réglementation régissant l’activité des livreurs à vélo (appelés « coursiers ») des plateformes numériques.

En particulier, le Ministère a indiqué les caractères essentiels du Décret Législatif du 15 juin 2015, n° 81, tel qu’il a été modifié et complété par la Loi du 2 novembre 2019, n° 128, de conversion du Décret Loi n° 101/2019. Il a tout d’abord précisé, dans le préambule, que cette réglementation s’adresse à deux catégories de coursiers: d’un côté, ceux qui collaborent avec les plateformes numériques sur la base d’un contrat de collaboration coordonnée et continue et, de l’autre, ceux qui ont un lien de travail indépendant.

Concernant la première catégorie, la circulaire a précisé que l’existence éventuelle d’éléments attestant l’ « hétéro-organisation » du coursier rend applicable le mécanisme prévu à l’art. 2 du Décret Législatif n° 81/2015 (tel qu’il a été interprété par l’arrêt n° 1663/2020 de la Cour de Cassation) selon lequel la réglementation du travail subordonné s’applique à cette collaboration. Ce sous réserve qu’il n’existe pas de conventions collectives spécifiques stipulées par les associations syndicales comparativement les plus représentatives au niveau national prévoyant, en raison des exigences particulières de production et d’organisation du secteur relatif, des règles spécifiques en matière de traitement économique et réglementaire.

Concernant la deuxième catégorie (c’est-à-dire celle des coursiers qui ont un lien de travail indépendant) la circulaire a souligné que, à défaut des conditions visées à l’art. 2 du décret législatif n° 81/2015, doivent être garantis aux coursiers les niveaux minimum de protection visés au Chapitre V bis du décret législatif n° 81/2015.

Parmi ceux-ci, l’article 47 quater, premier alinéa, confère aux conventions collectives la faculté de définir des critères de détermination de la rémunération globale, tenant compte des modalités d’exercice de la prestation et de l’organisation du commettant. Le deuxième alinéa dispose, ensuite, qu’à défaut de stipulation de telles conventions, les coursiers ne peuvent pas être rémunérés sur la base des livraisons effectuées et qu’une rémunération minimum horaire paramétrée sur les minima tabulaires doit leur être garantie. Ces minima tabulaires sont prévus par les conventions collectives nationales de secteurs affines ou équivalents, signées par les organisations syndicales de travailleurs et d’employeurs comparativement les plus représentatives au niveau national. De plus, il est prévu au troisième alinéa qu’une indemnité complémentaire non inférieure à 10% doit être dans tous les cas garantie à ces travailleurs pour le travail exercé la nuit, les jours fériés ou dans des conditions météorologiques défavorables, déterminée par les conventions collectives ou, à défaut, par ordonnance du Ministre du travail et des politiques sociales.

En outre, concernant la négociation collective mentionnée par le décret législatif n° 81/2015, le Ministère a précisé que les conventions collectives habilitées à dicter une réglementation prévalente par rapport aux dispositions légales sont, concernant aussi bien l’article 2 que l’article 47 quater, celles stipulées par les organisations syndicales comparativement les plus représentatives au niveau national.

Pour vérifier la condition de la plus grande représentativité, selon le Ministère, il convient de se référer : (i) aux indicateurs traditionnels fixés par la Jurisprudence (comme, par exemple, la consistance numérique du syndicat, une importante présence territoriale au niveau national, la participation à des actions d’auto-tutelle, à la rédaction et à la stipulation des conventions collectives de travail, l’intervention dans les controverses individuelles, multiples et collectives) ; (ii) à la participation des agents de négociation à l’observatoire permanent institué par l’art. 47 octies du décret législatif n° 81/2015 ; (iii) aux parties signataires de la convention collective nationale du secteur plus large, au sein duquel, en raison d’exigences particulières de production et d’organisation, on éprouve le besoin de prévoir des réglementations spécifiques en matière de traitement économique et réglementaire de catégories déterminées de travailleurs.

Si les conditions décrites ci-dessus font défaut, selon le Ministère, la convention collective ne peut déroger aux dispositions légales et, par conséquent – selon les cas – les dispositions de l’article 2, premier alinéa, ou de l’article 47 quater, deuxième alinéa, du décret législatif 81/2015.

Dans ce contexte vient s’insérer, au vu du développement récent du marché de la livraison de repas et de la récente évolution en matière de droit du travail, le protocole expérimental signé le 6 novembre 2020, par Assodelivery et CGIL, CISL et UIL au siège de la Préfecture de Milan.

Avec ce protocole, visant au respect de la légalité et des droits des travailleurs du secteur, dans le but de lutter efficacement contre l’exploitation du travail, les sociétés adhérant à Assodelivery s’engagent notamment à:

  • adopter, dans les six mois de la signature soit un Code d’éthique soit des Modèles d’organisation, de gestion et de contrôle, comme prévu au décret législatif n° 231/2001 ;
  • constituer un registre national de sociétés autorisées à effectuer les livraisons des commandes, afin d’intervenir exclusivement au travers de plateformes dédiées de livraison de repas, sans recourir à des entreprises tierces pour trouver des coursiers ;
  • surveiller les dynamiques de travail des coursiers au travers d’un Organisme de garantie composé des représentants des organisations d’employeurs et syndicales ;
  • communiquer chaque trimestre à l’Organisme de garantie les données anormales enregistrées, afin de fixer un seuil d’alarme au-dessus duquel il sera nécessaire d’affronter d’autres problématiques et, si nécessaire, d’envoyer des notifications spécifiques au Procureur de la République.

Autres insights connexes:

Le 15 septembre 2020, les associations syndicales ASSODELIVERY et UGL-RIDER ont signé la première CCNT réglementant les rapports de travail des cyclo-livreurs, appelés aussi «coursiers».

Au-delà de toute considération sur les questions de représentativité syndicale qui alimentent de nombreux débats, cet accord, dénommé «Convention Collective Nationale pour la réglementation de l’activité de livraison de biens pour le compte d’autrui, exercée par des travailleurs indépendants, appelés coursiers», a été signé presque un an après l’entrée en vigueur de la Loi n° 128/2019 qui introduisait les premières mesures de protection des travailleurs de la «gig economy».

Le travail des coursiers, selon les parties signataires, doit être placé dans la catégorie du travail indépendant. En effet, l’art. 7 de la CCNT définit le coursier comme un «travailleur indépendant qui, sur la base d’un contrat avec une ou plusieurs plateformes, décide si fournir son activité de livraison de biens, commandés au travers d’une application».

Parmi les principales mesures prévues, on compte la reconnaissance d’une rémunération minimum garantie, de systèmes de primes, d’équipements de sécurité, d’assurances, de l’interdiction de discrimination et de l’égalité des chances, de la protection de la vie privée et des droits syndicaux, tout en excluant l’acquisition de droits typiques du travail subordonné, comme par exemple la rémunération des heures supplémentaires, les mensualités supplémentaires, les congés, les indemnités de fin de contrat.

Examinons en détail les principaux droits.

Rémunération

Pour ce qui concerne les aspects de nature économique, la CCNT prévoit le versement en faveur des coursiers d’une rémunération minimum (10 euros de l’heure) déterminée sur la base du temps «estimé» pour effectuer les livraisons qui, si elles sont inférieures à une heure, sera re-paramétré en conséquence, proportionnellement au temps «estimé» pour la livraison. Cette rémunération ne pourra dans tous les cas pas être inférieure à 7 euros pour les 4 premiers mois à compter du commencement du service de livraison dans une nouvelle ville.

En outre, la rémunération sera augmentée dans une mesure variable de 10% à 20%, selon que l’activité sera exercée pendant la nuit (c’est-à-dire de 24:00 heures à 7:00 heures), les jours fériés (parmi lesquels les dimanches ne sont pas compris) ou pendant les journées où les conditions météorologiques sont «défavorables».

Pour récompenser les cyclo-livreurs, en revanche, la CCNT introduit un système de primes en vertu duquel les sociétés devront verser à chaque coursier une prime forfaitaire de 600 euros toutes les 2000 livraisons au cours de l’année solaire (jusqu’à un maximum de 1.500 euros par année solaire).

Santé et sécurité sur le lieu de travail

La convention ne réglemente pas seulement les aspects économiques, mais elle vise aussi à préserver la santé et la sécurité des cyclo-livreurs, en leur garantissant l’application des dispositions du Texte Unique en matière de Santé et de Sécurité visé au décret législatif 81/2008 et la participation à des programmes de formation spécifiques.

Selon la CCNT, en outre, les sociétés de livraison devront fournir aux coursiers deséquipements de sécurité tels que des vêtements à grande visibilité et un casque, qui devront être remplacés selon une périodicité pré-établie.

Enfin, «réglementant» ainsi une pratique déjà en partie existante, on demande au commettant de souscrire une assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi que contre d’éventuels dommages à des choses ou à des personnes, causés lors de l’activité.

Résiliation

Enfin, concernant la résiliation du contrat, on donne au coursier la faculté de résilier unilatéralement le contrat à tout moment avec effet immédiat, tandis que le commettant doit respecter un préavis de résiliation d’au moins 30 jours (sauf en cas de violation du contrat pour dol ou faute grave) ou, en alternative, de verser une indemnité égale à la moyenne des rémunérations perçues.  

Autres Insights:

La Cour de cassation italienne a affirmé que les « riders » doivent se voir appliquer les règles protectrices du droit du travail. La question des travailleurs de plate-forme intéresse les tribunaux du monde entier. Le Tribunal Superior di Madrid vient de rendre un arrêt établissant que les coursiers à vélo espagnols doivent être considérés comme des salariés et donc comme des faux travailleurs indépendants.

Par son arrêt n° 1663 du 24 janvier 2020, la Cour de cassation a affirmé que les règles protectrices du droit du travail s’appliquent dans leur ensemble aux travailleurs qui livrent des biens pour le compte d’autrui, au niveau urbain, avec des vélocipèdes ou des véhicules à moteur, à travers des plate-formes éventuellement numériques. Il s’agit là des fameux travailleurs de plate-forme.

Les hauts juges ont souligné qu’il ne convient pas de parler de « tertium genus » à mi-chemin entre les « collaborations coordonnées » au sens de l’article 409, 3e alinéa du code de procédure civile et les contrats de travail salariés.

Si l’on cherche à identifier la nature du contrat entre les coursiers et les sociétés de livraison, la Cour de cassation a estimé qu’il était nécessaire de vérifier si la prestation fournie par les coursiers, répond aux critères posés par l’article 2 du décret législatif italien n° 81/2015 : une prestation de travail principalement personnelle et continue, dont les modalités d’exécution sont organisées par le donneur d’ordre.

La Cour a ainsi à travers cette recherche, relevé que :

  • d’un côté, la pénalité à laquelle est soumise le rider, quant à l’engagement du travailleur une fois qu’il a donné sa disponibilité pour effectuer la course : est tenu « obligatoirement d’effectuer la livraison dans les 30 minutes suivant l’horaire indiqué de retrait du repas, sous peine de pénalité »,
  • de l’autre, les obligations auxquelles le rider serait soumis, quant aux modalité d’exécution de la prestation, notamment  : « à l’obligation pour chaque coursier de se rendre au début de l’horaire dans l’une des zones de départ prédéfinies et d’activer l’application Hurrier, en s’authentifiant et en étant géolocalisé ; à l’obligation, après avoir reçu la notification de la commande sur l’application avec indication de l’adresse du restaurant, de s’y rendre avec son vélo, de prendre les produits en livraison, de vérifier qu’ils correspondent à la commande et de communiquer via la fonction de l’application prévue à cet effet l’issue de l’opération ; à l’obligation de livraison des repas au client, dont l’adresse a été communiquée au coursier toujours via l’application, et de confirmation de la livraison ».

Lisez ici la version intégrale de l’article en italien.6. Télétravail et droit à la déconnexion : les règles de protection des travailleurs

La déconnexion constitue une mesure de prévention à part entière pour protéger la personnalité physique et morale du télétravailleur.

Les instruments utilisés par le télétravailleur (comme un ordinateur portable et un smartphone) pour fournir sa prestation lui permettent d’être repéré et connecté, non seulement potentiellement mais de facto, de façon constante et continue. Ceci risque de compromettre l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle qui fait partie des critères posés par le télétravail.

C’est dans ce cadre que s’inscrit le droit à la déconnexion, en vertu duquel le travailleur doit être préservé d’une potentielle connexion permanente.

Vittorio De Luca et Elena Cannone font le point sur les accords et les règles qui garantissent ce droit, toujours plus fondamental à la lumière du recours croissant au télétravail.

Lisez ici la version intégrale en italien.

Source: Guida al lavoro de Il Sole 24 ore


La Cour de cassation, par sa décision n° 1663 du 24 janvier 2020, a étendu aux cavaliers les règles sur le travail salarié. Selon la Cour de cassation, le régime d’autonomie des travailleurs fait partie intégrante de la phase de validité ou d’invalidité de l’accord (le travailleur étant libre d’accepter ou non la prestation), mais pas de la phase fonctionnelle d’exécution du rapport. Les modalités de prestation sont, en fait, déterminées en grande partie par une plateforme et une application pour Smartphones. La Cour de cassation nie donc qu’il puisse exister un genre intermédiaire entre autonomie et subordination. Selon la Cour de cassation, en effet, l’article 2, alinéa 1, du décret législatif 81/2015 est une règle disciplinaire, elle ne crée pas un nouveau cas.